CYPÉRALES

CYPÉRALES
CYPÉRALES

La nombreuse famille des Cypéracées (env. 4 000 espèces) constitue à elle seule l’ordre des Cypérales, ordre de plantes Angiospermes monocotylédones aujourd’hui détaché de l’ancien groupe des Glumiflores (qui réunissait Cypéracées et Graminées). Ces deux familles ont en commun le port herbacé, les feuilles «graminiformes», les fleurs petites, sans périanthe coloré, organisées en inflorescences élémentaires (épillets) composées de bractées spécialisées (glumes), axillant et enfermant les fleurs. Cette ressemblance recouvre toutefois des différences d’organisation assez profondes pour justifier la distinction des Cypérales en tant qu’ordre.

Traits généraux des Cypéracées

À part quelques exceptions apparentes (Microdracoides , pseudo-arbuste dont les «tiges» sont en réalité surtout constituées par l’intrication de bases foliaires mortes et de racines adventives), les Cypéracées sont des herbes; leur taille va de quelques centimètres chez de nombreuses espèces annuelles à plusieurs mètres chez le papyrus ou chez la «liane-rasoir», herbe grêle aux feuilles très coupantes, qui grimpe en s’étayant sur les arbres (Scleria secans ). Leur port se caractérise par un mélange de souplesse et de raideur (le roseau de la fable) dû à l’importance des assises sclérenchymateuses dans les parties aériennes. Les tiges, pleines ou fistuleuses, de section souvent triangulaire, mais aussi ronde, aplatie, cannelée, portent des feuilles et des bractées inflorescentielles typiquement graminiformes, comme chez nos Carex européens, ou d’aspects plus variés: le limbe peut s’enrouler, être filiforme, ou cylindrique à la manière des joncs; il peut s’élargir considérablement en différenciant même un pseudo-pétiole, cela avec une remarquable convergence chez des genres très divers, pour les espèces habitant la forêt dense équatoriale. Enfin, le limbe peut disparaître, la feuille se réduisant à une gaine écailleuse. Souvent, tiges et feuilles sont rendues coupantes par des denticulations siliceuses. Plusieurs traits de l’appareil végétatif éloignent les Cypéracées des Graminées: pas de nœuds différenciés, gaines foliaires normalement fermées, feuilles et bractées très souvent sur trois rangs.

Les inflorescences offrent des types extrêmement variés, depuis les panicules amples jusqu’aux têtes compactes et à l’épillet unique.

L’appareil reproducteur est peu complexe: androcée typiquement trimère, aux anthères basifixes; les filets staminaux s’allongent considérablement à l’anthèse pour permettre l’exsertion des anthères et la pollinisation. Le pistil comprend un ovaire à une seule loge, considérée comme résultant de la soudure de plusieurs carpelles (un par stigmate), avec un ovule unique anatrope et basal. Le fruit est très généralement un akène mais la drupe existe chez les Mapaniées (Scirpodendron , Mapania ). La diaspore est souvent le fruit nu, mais parfois c’est l’épillet entier, ou encore quelques pièces spécialisées, comme l’utricule des Carex , qui contiennent l’akène et jouent un rôle de flotteur.

Structure et évolution de la fleur

Malgré une simplicité et une uniformité apparentes, l’inflorescence et la fleur déterminent la grande diversité de la famille et permettent de caractériser les quelque 90 genres actuellement reconnus. C’est sans doute à tort qu’on parle d’épillet chez les Cypéracées, dont l’inflorescence élémentaire n’a pas atteint le degré de spécialisation et de stabilité du véritable épillet graminéen. Cet épillet a souvent été considéré, chez les Cypéracées, comme un épi racémeux, dépourvu de fleur terminale sauf chez les Mapaniées. Pour quelques auteurs toutefois, l’organisation type est cymeuse, avortements et contractions aboutissant à de faux racèmes (Rhynchospora , Cyperus ). La fleur, elle-même difficile à délimiter dans certains cas, donne lieu à d’intéressantes controverses: il semble en effet aujourd’hui que les Cypéracées offrent un très bel exemple d’évolution cyclique de l’inflorescence vers la fleur, par contraction et suppression de pièces. Les théories classiques font dériver la fleur de Cypéracée de celle des Liliales, trimère et pentacyclique; les soies hypogynes des Cypéracées (si développées chez Eriophorum ) représentent alors les vestiges du périanthe, et disparaissent elles-mêmes dans la plupart des espèces. Les auteurs modernes s’orientent vers une explication inverse: à partir d’inflorescences primitives aux fleurs nues et unisexuées (peut-être à plusieurs reprises) vers des fleurs bisexuées périanthées d’un type voisin des Liliales. Cette hypothèse s’appuie sur la permanence, dans les forêts équatoriales, des types les plus primitifs actuellement représentés par la tribu des Mapaniées (Holttum, Kern). On discernerait alors deux grandes tendances évolutives, l’une menant aux fleurs bisexuées d’abord périanthées (Fuirena , Scirpus , Rhynchospora ), puis, par une nouvelle simplification, aux fleurs bisexuées nues (nombreuses Scirpées et Cypérées); l’autre tendance aurait au contraire conservé la nature unisexuée des fleurs, en l’accentuant même par une plus grande ségrégation des sexes, qui, originairement voisins dans l’épillet, sont confinés dans des parties de plus en plus distantes de l’inflorescence, la diécie totale étant même réalisée dans quelques cas (Microdracoides , Carex dioica ). La première tendance correspond à la sous-famille des Cypéroïdées, groupe homogène dans lequel les genres sont souvent définis par des caractères difficiles à observer (orientation du pistil, phyllotaxie de l’épi, etc.). Cette sous-famille comprend entre autres le grand genre Cyperus qui, pris au sens strict, compte environ 600 espèces, la plupart tropicales. Chez les Rhynchosporées, qu’on peut rattacher à la même sous-famille, se manifeste en outre une évolution vers la réduction du nombre de fleurs fertiles, les glumes basilaires de l’épillet étant vides. À la seconde grande tendance correspondent la sous-famille des Caricoïdées, avec diverses tribus tropicales (Sclériées, Cryptangiées) et surtout, au terme probable de son évolution, l’énorme genre Carex (entre 1 500 et 2 000 espèces, surtout des régions tempérées et froides) qui, à lui seul, fournit les trois quarts des Cypéracées de la flore française.

Il est évident que cette hypothèse évolutive est très séduisante, mais sa vérification dépend de recherches complémentaires; la connaissance des Cypéracées reste bien moins avancée que celle des Graminées, dont elles n’ont évidemment pas l’intérêt économique. Pourtant, les Cypéracées peuvent peut-être nous apporter plus d’informations sur le plan très général de l’évolution des Phanérogames.

Biologie, écologie et usages

Selon une idée générale assez répandue, les Cypéracées habitent exclusivement les marais; certes, dans ces milieux, où manque souvent la strate arborescente, les herbes sociales, Graminées et Cypéracées surtout, arrivent à dominer la végétation et impriment leur cachet propre au paysage; c’est le cas des formations à grands Carex de nos bords d’étangs, ou des fourrés flottants impénétrables de Cyperus Papyrus , le «sudd» du haut Nil. Il y a néanmoins des Cypéracées à peu près partout, dans la plupart des milieux et sous toutes les latitudes, de la forêt dense jusqu’aux déserts tropicaux ou à la toundra arctique, lieu d’élection de nombreux Carex (dont certains se retrouvent, avec des aires de répartition disjointes, sur les sommets alpins). Il y a des Cypéracées de parois rocheuses, de sables littoraux, de savanes sèches; il y a même des lianes (Scleria ) ou des épiphytes facultatifs (Coleochloa ).

Les Cypéracées sont souvent sociales, soit parce que, vivaces, elles disposent d’un grand pouvoir de multiplication végétative et de propagation par rhizomes ou stolons rampants (cas de Cyperus rotundus , mauvaise herbe très envahissante dans les régions chaudes), soit par leur production élevée de graines, ceci surtout pour les espèces annuelles qui peuvent ainsi envahir de façon gênante les rizières. En dehors des régions chaudes, les annuelles sont rares; les Carex européens forment souvent des pelouses assez fermées, grâce à leur pouvoir compétitif élevé. Des pelouses semblables sont, en Afrique, formées par une autre Caricoïdée, Afrotrilepis pilosa , qui joue sur les inselbergs granitiques un rôle très important de pionnier, en constituant à lui seul un sol.

La biologie florale des Cypéracées a été peu étudiée; la pollinisation par le vent est généralement admise, malgré une spécialisation de l’androcée moins poussée que chez les Graminées. La zoogamie existe aussi.

Dans les zones tempérées et froides, c’est donc le genre Carex qui détient la suprématie; il n’est pas absent des tropiques, qui abritent (en Asie surtout) certains de ses représentants les plus curieux. Il s’y efface cependant derrière les Cypérées évoquées plus haut, les Scirpées qui, outre Scirpus , Eleocharis , comptent de grands genres tropicaux (Fimbristylis , Bulbostylis ); les Rhynchosporées comptent surtout Rhynchospora , principalement américain, et un groupe de genres plus spécialement répandus dans la flore australe et pacifique: Schoenus , Tetraria , Machaerina . Parmi les Caricoïdées, les Scleria jouent un rôle important dans toutes les régions tropicales, et, en Amérique, les Cryptangiées comptent de nombreuses espèces.

Sur le plan économique, les Cypéracées ne tiennent aujourd’hui qu’une place très restreinte: quelques ornementales (Cyperus alternifolius , souvent improprement dénommé «papyrus»), quelques restes de cultures anciennes (Cyperus esculentus , avec les tubercules duquel les Espagnols produisent la horchata de chufa ), quelques usages locaux résiduels (en Afrique noire, Cyperus maculatus contient dans ses rhizomes un parfum apprécié). On ne peut toutefois clore ces lignes sans évoquer la gloire passée du papyrus (Cyperus Papyrus ) auquel l’Égypte ancienne doit sans doute une part de son épanouissement.

Situation systématique

Comme on peut en juger, l’accord est loin d’être réalisé sur les liaisons probables entre Cypérales et Monocotylédones voisines. Si l’on admet la filiation classique, les Cypérales dériveraient d’une souche ancestrale commune avec les Liliales, dont elles seraient en quelque sorte une adaptation anémophile (petites fleurs sans périanthe, étamines exsertes à l’anthèse). Selon d’autres idées, c’est au contraire au voisinage des Pandanales qu’il faut rechercher l’origine des Cypérales; de fait, la ressemblance est grande entre Mapaniées (considérées dans cette hypothèse comme primitives) et Pandanacées actuelles. Néanmoins, la souche commune devait être beaucoup plus primitive encore et nous n’avons pas encore la preuve paléontologique de son existence passée.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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